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En gros, en très gros, c'est une histoire d'amour. Classique, narrée en 3 parties : la rencontre et le bonheur à deux/l'usure du couple et la séparation/la convalescence et le retour à la vie.
Sauf que cela, on s'en fout un peu (dixit l'auteur, après deux ou trente godets). Ce qui compte, c'est le souffle de fantaisie et de poésie qui court du début à la fin du roman. Une poésie populaire comme celle dont on est parfois nostalgique, la poésie des Prévert et des Queneau, des surréalistes aussi, dans leurs bons moments.
Pour la fantaisie, cela commence, avec un clin d'oeil attendri, par la rencontre avec un lapin. Qui apparaît certes dans le fond des toilettes d'un narrateur en retard alors qu'il doit aller au "bureau administratif", mais ce dont on se souvient au final, c'est qu'il y a un lapin.
Et on se laisse ensuite emporter par le récit dans un univers que n'aurait pas renié le meilleur Boris Vian, à qui l'on pense à diverses reprises (le narrateur écoute du Chotie ou du Sapin, il joue de la trompouette...).
Alors bien sûr, cela n'empêche pas les compromis que s'imposent les amoureux d'assécher leur amour, le snobisme du milieu de l'art d'être aussi ridicule qu'humiliant, les activités au bureau administratif de n'avoir aucun sens, mais tout cela reste secondaire au regard de la légèreté et de la drôlerie de la langue.
En un lieu et un temps où les poètes et les rêveurs auraient encore droit de cité, ce livre aurait volé comme un poisson ailé dans le ciel. Aujourd'hui, il est une sorte de relique envoûtante qui nous semble surgie de mondes aussi anciens qu'imaginaires. De mondes qui, pourtant, si nous l'avions voulu, auraient pu être nôtres.
Patrice Maltaverne nous délivre dans ce recueil un ensemble de poèmes en prose justifiant, à mon sens, l'engagement poétique d'aujourd'hui. Le grattoir fin et acide s'équilibre dans le chaleureux d'images fondées dans l'expérience du poète à voix tellement forte, qu'elle reste inaudible. En somme, si la poésie - bien sûr - est très loin d'avoir disparu, ceux qui la véhiculent n'ont qu'une heure de la nuit pour s'en nourrir. "La réconciliation de tous les poètes intervient à un stade fort avancé de la civilisation où le pourrissement des âmes laisse des trous blancs dans l’air. Aux confins du jour les voilà qui communiquent par les miettes de leurs paradoxes". La poésie qui s'écrit, bouffée par ses querelles maussades de jeux de billes n'oublie t-elle pas de se réunir et de s'encourager elle même à occuper l'espace actuel et culturel? Il y aurait quelque chose de pourri, mais le nécessaire de sacralité reste et c'est ce qu'on retrouve avec bonheur dans les bouts de sa cervelle que nous donne généreusement l'auteur.
Malgré son titre qui sonnera peut-être comme trop abstrait, "Éclats de l’être" est une suite d'aphorismes dont je recommande vivement la lecture à celles et ceux qui, d’aventure, s'ennuieraient dans leur vie. C'est normal, vous expliquera Frédéric Dechaux. C'est même évident. Bien sûr, pour échapper à cet ennui, pour avoir l'impression de se réaliser, il n'y a que des tentatives d'aventures à risquer et à renouveler. Pas de solutions miracle donc, mais des pistes à suivre qui peuvent ajouter un peu de lumière à la vie.
Frédéric Dechaux, à travers une écriture précise, vous fait partager ces certitudes incertaines...
Présentation de l'éditeur
"Je pêcherais par sophisme en argumentant en faveur de la poésie moderne, nouvelle, contemporaine. Le décalage est une question de courage, non de création mais de rassemblement, de "que fait-on" ; c'est aussi une question de public. A qui s'adresse la poésie? Que fait-on d'un poème? Que dit-il? Y sommes nous? Quelle est son emprise sur le monde? Houellebecq nous dit que la littérature n'est pas grand chose, qu'elle ne change pas le cours politique de l'histoire, plutôt les philosophes, les économistes, à condition qu'on récupère une partie tronquée de leurs réflexions pour servir des idéologies de pouvoir, c'est à dire de dette et d'asservissement. Je m'offusque : la littérature est aujourd'hui largement improductive sur ce sujet. Nous avons besoin de récits, de notions qui s'en vont et s'en viennent entre les individus, de masses lourdes inévitables comme ces grands panneaux de publicité qu'on n'a pas le choix de voir ou de ne pas voir. Au maximum choisissons : arrachons les icônes consuméristes, décapons la pollution, réagissons de façon écologique, c'est à dire en interrogeant notre interaction avec notre environnement, en imaginant non en imageant virtuellement."